La vie à la marina de Santa Lucia en préparant notre voyage en Méditerranée

Le monde était resté silencieux depuis si longtemps. La marina de Santa Lucia, autrefois animée, restait silencieuse, les bateaux amarrés à leurs amarres, attendant le vent du changement. Mais alors que le calendrier est passé au 1er juin, Journée internationale de l’enfance, un sentiment d’émerveillement et d’anticipation enfantin a bouillonné en nous. Le confinement avait été une cage, mais le large? C’était la liberté!

Avec le soleil projetant des teintes dorées sur la marina, nous avons ressenti l’importance de cette journée non seulement comme une célébration mondiale pour les enfants, mais aussi comme une renaissance de notre propre esprit d’aventure. Les voiles, endormies depuis ce qui semblait être une éternité, bruissaient d’excitation, faisant écho à nos propres battements de cœur. Alors que je prenais place à la barre, la sensation familière du bateau répondant à mon contact m’a fait vibrer le dos. Mathieu, avec sa compréhension innée de notre bateau, a travaillé en harmonie avec moi, tirant les amarres et ajustant les voiles, faisant danser le bateau au rythme du vent.

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Mathieu et Mirela Letailleur naviguent de la Marina Santa Lucia Saint-Raphaël à Sainte-Maxime

Notre destination? Sainte-Maxime, la charmante ville balnéaire où était née la grand-mère de Mathieu. Dans un mélange d’ancien et de nouveau, nous avons passé un appel vidéo à son grand-père, comblant le fossé entre les aventures passées et notre voyage actuel. À travers l’écran pixelisé, nous avons vu ses yeux s’illuminer, reflet des eaux azurées qui nous entouraient.

La douce caresse de la brise marine, le clapotis rythmé des vagues contre la coque et la vaste étendue de l’horizon dressaient un tableau de sérénité. Cela contrastait fortement avec les espaces confinés auxquels nous nous étions habitués pendant le confinement. Alors que Mathieu inspectait méticuleusement chaque coin et recoin du pont, s’assurant que notre navire était en parfait état, je me délectais du pur bonheur de naviguer à la journée, rappel de la beauté de la vie dans la marina.

Une fois de retour au port, nous avons accosté en toute fluidité avec précision et travail d’équipe, marquant la fin d’une journée parfaite. L’essence de la vie dans une marina ne concerne pas seulement la voile, mais aussi les histoires que nous créons, les souvenirs que nous chérissons et la communauté dont nous faisons partie. Et en débarquant, nous savions que ce n’était que le début de nombreuses autres aventures à venir.


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Démâtage avec BMS Bateaux au CNR – Chantier Naval Raphaëlois

La transformation du Puzzle

Le soleil à peine levé jette une douce teinte dorée sur la marina. Le doux clapotis des vagues contre la coque de notre voilier bien-aimé, Puzzle, était un son réconfortant. Mais aujourd’hui, le bateau va subir une transformation qui lui fera momentanément perdre son identité.

Quelques jours plus tôt, Mathieu et moi avions méticuleusement plié les voiles, leur tissu blanc impeccable reposant désormais dans la cabine avant. La bôme, élément essentiel de notre navire, a été soigneusement retirée et fixée au pont, rembourrée par des serviettes pour éviter toute rayure accidentelle. L’impatience était palpable lorsqu’un représentant de BMS Bateaux s’est approché, s’assurant que tout était en ordre pour le retrait imminent du mât.

Le 8 juin a été une journée marquée par un mélange d’excitation et d’anxiété. Après un copieux déjeuner, nous nous dirigeons vers le chantier naval. Les souvenirs de notre dernière visite sont revenus lorsque nous avons amarré Puzzle à l’endroit familier. Mais cette fois, une grue différente se dressait au-dessus de nous, destinée non seulement à soulever les bateaux, mais également à la tâche délicate de dépose du mât.

L’équipe BMS a travaillé avec précision. L’un d’eux montait sur le mât à l’aide d’un fauteuil d’équipage, hissé par un treuil électrique. Pendant qu’il fixait le mât, Mathieu et Olivier, l’autre membre de l’équipe, travaillaient assidûment en dessous, détachant le gréement du pont. La grue a ensuite pris le relais, soulevant le mât avec grâce et le plaçant horizontalement sur un support. C’était un spectacle à voir, notre Puzzle, désormais sans mât, sa silhouette a temporairement changé.

Mais la transformation n’était pas terminée. Bientôt, une autre grue arriva, soulevant Puzzle de sa demeure aquatique. Elle a été placée sur des supports métalliques, en attente d’une nouvelle couche de peinture. Le spectacle était doux-amer : notre bateau, qui avait déjà bravé de nombreux voyages, semblait désormais vulnérable.

Deux jours plus tard, alors que nous approchions du chantier naval, un spectacle inattendu nous a accueillis. Notre Puzzle était de retour à l’eau, sa coque luisante. Mais notre joie fut de courte durée. Des stries bleues marquaient son franc-bord, une erreur d’inattention des ouvriers du chantier naval. La frustration bouillonnait en moi lorsque Mathieu reçut une éponge magique pour rectifier leur oubli. Déterminé, il a navigué autour de Puzzle dans le canot, effaçant toute trace de la tache bleue.

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Projet bateau DIY: ponçage et traitement du pont de bateau en bois

Pendant que Mathieu travaillait sur l’extérieur, je me suis concentré sur les sièges du cockpit. Le bois, usé par le temps, avait besoin d’attention. À la mi-juin, avec chaque centimètre poncé, huilé et poli, Puzzle semblait retrouver une partie de sa jeunesse perdue.


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À la découverte de la communauté nautique de Port Santa Lucia

La communauté nautique du port de Santa Lucia

Le port de Santa Lucia, avec ses douces vagues et le bourdonnement lointain des bateaux, était devenu notre résidence temporaire. Puzzle démâté, Mathieu et moi nous sommes retrouvés ancrés un peu plus longtemps que prévu. Nos journées étaient remplies de tâches diverses, l’une des plus importantes étant la mise en place d’un réservoir d’eaux noires. Les règles de la marina étaient claires : pas de toilettes à bord, sauf si elles sont connectées à un réservoir. Mais honnêtement, il était difficile de résister au confort des installations portuaires, notamment aux douches.

Un de ces après-midi, alors que la vapeur enveloppait la salle de douche, j’ai remarqué une autre présence – une autre femme ! C’était rare car le port était généralement un espace dominé par les hommes. Je l’ai regardée, une silhouette lui séchant les cheveux. Nos chemins ne se sont pas croisés à ce moment-là, mais le destin en a décidé autrement.

En revenant vers Puzzle, j’ai réalisé qu’elle était amarrée à quelques bateaux plus loin. Son petit voilier bleu trône fièrement au bout du ponton. En m’installant dans le cockpit avec Mathieu, je réfléchis: « Elle est plus prête que moi pour le bateau. Elle a amené son sèche-cheveux en balade à la voile! ». Ensuite, je me suis demandé si j’aurais un jour besoin d’un sèche-cheveux lors de notre voyage en voilier.

L’univers fonctionne de manière mystérieuse. Dès le lendemain, alors que Mathieu était occupé à monter une éolienne, le compagnon de la femme, Maxime, entame la conversation. En sortant, il m’a salué en roumain. Ma réponse, par habitude, a été en français. Les rires ont suivi et nous avons rapidement évoqué la Roumanie, un pays où Maxime avait élu domicile depuis quelques années. La joie de converser dans ma langue maternelle, après des semaines de français et d’anglais, était indescriptible.

Ce jour-là a été celui de relations fortuites. Nous avons également rencontré Julien, l’heureux propriétaire de Barakka, un voilier à l’histoire unique. Au bord de la destruction avant le confinement, Julien voyait du potentiel là où d’autres voyaient la décadence. Son optimisme était contagieux et sa boîte à outils était une aubaine. Mathieu a emprunté la perceuse à Julien, la nôtre s’étant révélée insuffisante pour la tâche à accomplir.

Le soir tombait et le port s’animait de lumières douces et de bavardages lointains. Maxime et sa compagne, Eugénie, reviennent de la ville. Leur énergie de jeunesse était contagieuse, et bientôt ils montèrent à bord de Puzzle, partageant des histoires autour de bières. La nuit a été remplie de récits d’aventures, de rêves et de l’objectif commun d’atteindre la Grèce. Alors que les étoiles scintillaient au-dessus de nous, nous avons réalisé que même si la mer était vaste, elle rassemble souvent les âmes de la manière la plus inattendue.


Alizés et trésors lors d’une journée au port de Santa Lucia

Le soleil était déjà haut lorsque Maxime et Eugénie, des rêves de Corse dans les yeux, s’embarquèrent. Mais comme cela arrive souvent sur une mer imprévisible, une houle soudaine avait d’autres projets. Le boom de leur bien-aimée Rifougnade en subit un coup dur, les obligeant à regagner l’étreinte familière du port Santa Lucia.

Au fil de la journée, Mathieu, avec pour mission de remettre à neuf notre mât, s’est dirigé vers le chantier. Maxime, le poids de leur bôme endommagée sur les épaules, l’accompagnait en espérant une solution rapide. La fortune leur a souri et dans l’après-midi, la silhouette bleue de Rifougnade était de nouveau prête à danser avec les vagues.

Mais il était trop tard pour repartir et la soirée nous retrouva, avec Julien, réunis pour un pique-nique au bord du ponton, nichés entre les figures contrastées de Rifougnade et de Barakka. Le soleil couchant a peint le ciel dans des tons dorés et cramoisis, projetant une lueur chaleureuse sur notre rassemblement de fortune.

Avant le pique-nique, nous sommes montés à bord pour visiter Rifougnade. C’était comme entrer dans un monde différent. Chaque centimètre témoigne d’une conception ingénieuse et d’une multifonctionnalité. L’espace de vie se transforme à volonté, la table descend du ciel et la cuisine émerge des murs. Mais ce qui a vraiment retenu notre attention, c’est la touche personnelle : des photographies de souvenirs précieux, des bandes LED créant une ambiance chaleureuse et des coussins personnalisés portant les noms de marins comme le capitaine Bichou. Pourtant, au milieu de tout son charme, les espaces cloisonnés par des rideaux et la configuration unique de la salle de bains contrastaient fortement avec les intérieurs spacieux de Puzzle.

Au fil de la soirée, les conversations ont afflué et une idée a germé. Connaissant les enjeux de ne pas avoir de réservoir d’eaux noires en Italie et en Grèce, nous leur avons proposé les toutes nouvelles toilettes écologiques que nous avions découvertes à bord de Puzzle. Dans un geste de camaraderie réconfortant, ils ont rendu la pareille avec un nouveau gril, un sac de charbons et un support pour canot de sauvetage. Ils avaient acheté un gril à gaz plus petit car il prenait moins de place et le support pour canot de sauvetage ne correspondait pas au nouveau modèle qu’ils avaient récemment acquis mais était idéal pour le nôtre.

Alors que les étoiles scintillaient au-dessus de nous, nous avons célébré notre métier unique : un pot écologique pour un grill, des charbons et un support de radeau de survie. C’était un témoignage des liens formés en mer, où les biens s’échangent et où les souvenirs sont inestimables.


voilier Rifougnade met les voiles
Le départ de Maxime & Eugénie sur Rifougnade, l’un des plus beaux bateaux de Méditerranée

Rifougnade vs la météo – un départ inoubliable

Le 17 juin s’est levé avec un sentiment d’impatience. L’air était chargé d’excitation alors que Maxime et Eugénie se préparaient à se lancer dans leur prochaine aventure. Leur première destination était passée de la Corse à Impéria parce que la météo avait ses propres projets et que des vents violents mettaient à l’épreuve leur détermination.

Alors que Maxime largue l’amarre, le vent, tel un escroc espiègle, joue sa première carte. Sans le guidage de l’hélice, Rifugnade se retrouve à la merci des rafales. Le voilier voisin se rapprochait dangereusement et, dans un effort désespéré, leurs mains se tendirent, poussant contre sa coque, essayant de parer une potentielle collision. La scène était chaotique, une danse de désespoir alors qu’ils se rapprochaient dangereusement du fier arc de Puzzle.

Mathieu, sentant le danger imminent, passe à l’action. Sa double intention était claire : donner un coup de main et protéger notre bien-aimé Puzzle de tout danger. Eugénie, posée à la proue de Rifugnade, reflétait sa détermination. Sa position, résolue contre la fureur du vent, nous a rappelé des souvenirs de notre propre voyage inaugural, où nous aussi avions lutté contre les caprices de la nature.

Dans un coup de maître de navigation, Maxime a fait marche arrière, dirigeant le bateau par l’arrière pour sortir du chenal dangereux. D’un virage rapide, Rifugnade retrouva son cap, s’éloignant gracieusement du port tumultueux. Nous sommes restés là, regardant leur silhouette s’éloigner, un mélange de soulagement et de nostalgie. Comme nous aurions aimé que notre mât soit prêt pour pouvoir les rejoindre dans ce voyage ! Mais la mer a sa propre chronologie, et nous espérions que nos chemins se croiseraient à nouveau, peut-être sous le chaud soleil italien.


Mâtage au CNR – Chantier Naval Raphaëlois

Des mâts et des hommes – une histoire de patience et de persévérance

Deux jours plus tard, alors que le bourdonnement d’activité commençait à la marina de Santa Lucia, l’air était chargé d’anticipation et d’un soupçon de frustration. Après beaucoup de persuasion et une pointe d’insistance, nous avons finalement réussi à convaincre le chantier naval de donner la priorité à notre réinstallation tant attendue du mât. Mathieu, avec sa détermination qui le caractérise, avait exposé nos doléances, soulignant les retards et les coûts croissants de notre séjour prolongé.

Initialement, notre accord avec M. Isnar avait amorti le choc financier de notre impureté prolongée. Son contrat avec le port nous avait assuré de bénéficier de tarifs réduits. Mais à mesure que les jours calendaires de juin diminuaient, la validité du contrat diminuait également. La situation financière s’est inversée et nous nous sommes retrouvés à puiser plus profondément dans nos poches, en payant des tarifs majorés directement au port. La haute saison de navigation dans le sud de la France était à nos portes et son prix était élevé.

Le 19 juin était marqué d’un cercle sur notre calendrier, le jour où notre mât reprendrait sa juste place. Mais comme pour la plupart des choses maritimes, la navigation n’a pas été facile. La zone désignée par la grue était très active et les emplacements du quai étaient occupés. Assis sur le pont avant du Puzzle, j’observais le chaos orchestré du chantier naval, attendant notre tour dans la danse.

Le moment venu, l’équipage du BMS a rapidement sécurisé le mât, assurant sa stabilité juste assez pour notre court trajet de retour à notre poste d’amarrage. La mer était calme, reflétant notre soulagement alors que nous effectuions le transfert sans incident. Puis, de retour à la marina, Olivier, avec ses mains aguerries et son œil vif, a procédé aux dernières mises au point. Il nous a laissé de judicieux conseils sur les ajustements potentiels par vent plus fort, guidant Mathieu sur les nuances des ajustements du gréement. Bien que ses paroles fassent allusion à des défis futurs, nous savourons pour l’instant l’achèvement de ce chapitre, impatients des aventures qui nous attendent.


sortie voilier cap dramont ile or
Sortie voilier Cap Dramont

Chroniques à quai – aventures en attente

Les teintes dorées de l’aube ont peint la marina alors que nous nous préparions pour une autre journée à bord de Puzzle. Avec quelques nuits supplémentaires sécurisées au quai et un moteur hors-bord qui refusait obstinément de rugir, notre voyage était momentanément ancré. Les tentatives de Mathieu pour redonner vie au moteur d’occasion marseillais avaient été vaines. Mais l’espoir, tout comme la marée persistante, pointait à l’horizon. Un rendez-vous avec un vendeur promettant un moteur plus performant et plus fonctionnel était prévu.

Notre matinée a été consacrée à traverser les eaux azurées en direction du cap Dramont, une sorte de reconnaissance pour notre prochain voyage depuis Santa Lucia. La mer murmurait des récits d’aventures à venir et le vent chantait la liberté. Mais comme dans toutes les histoires, il y a eu un rebondissement.

Notre retour au port fut gâché par un moment de précipitation. Mathieu, dans son urgence, me fit signe de sauter du Puzzle au ponton, distance qui me parut un gouffre. Mon pied s’est emmêlé avec une chaîne laissée sur le ponton, j’ai trébuché et je suis tombé sur un taquet. C’est Julien, notre voisin de Barakka, qui est intervenu d’une voix ferme, rappelant l’importance du calme et de la logique en mer. Ses conseils opportuns ont sauvé bien plus que la journée.

blessure en bateau voyage à la voile
Le crampon avait été si chaud à cause du soleil qu’il m’avait brûlé la peau. Et quelques jours plus tard, alors que je naviguais en Italie, je me suis aperçu que j’avais toujours la marque (image de droite).

La gratitude coulait aussi librement que les boissons ce soir-là. Nous avons invité Julien à bord, faisant tinter les bouteilles de bière sous la voûte des étoiles, partageant histoires et rêves. Alors que la nuit s’avançait, il a évoqué la transformation de Barakka et ses aspirations à danser avec les vagues le long de la côte avant de jeter son dévolu sur Gibraltar et la vaste étendue de l’Atlantique. À mon tour, j’ai partagé des histoires apprises dans mes livres de navigation, en lui signalant des ports espagnols qui pourraient devenir un refuge pour lui plus tard.

Julien était une énigme, un marin qui évitait l’ère numérique, préférant l’appel du large au buzz des réseaux sociaux, on n’a donc jamais su comment son histoire a continué. A l’opposé, Maxime et Eugénie, avec leurs récits vibrants de Rifougnade, avaient même des cartes de visite à partager avec les marins rencontrés au cours de leur voyage.

Alors que la nuit nous enveloppait dans ses bras, je m’interrogeais sur les chemins que chaque marin emprunterait, les histoires qu’il recueillerait et les récits qu’il laisserait dans son sillage.


Le 21 juin, Mathieu, une lueur dans les yeux, retournait au quai, le poids d’un nouveau moteur hors-bord évident dans sa foulée. Sans une seconde d’hésitation, il l’a monté de manière experte sur l’annexe. Le bourdonnement du moteur a pris vie, faisant écho à l’excitation de nos cœurs. D’un mouvement rapide, il partit, dirigeant le canot à travers une danse complexe dans le chenal entre les pontons. L’eau ondulait dans son sillage, reflétant le ciel azur et la silhouette de notre navire bien-aimé, Puzzle.

Alors qu’il manœuvrait avec aisance, je me tenais sur le pont, admirant la vue. Le vieil autocollant antidérapant s’accrochait toujours obstinément à la moitié de notre terrasse. A proximité, le réservoir d’eaux noires attendait son raccordement au tableau électrique, tâche que Mathieu comptait bien accomplir. Mes doigts me démangeaient de finir de poncer et de traiter le bois qui ornait notre navire. Chaque planche et chaque poutre contenait des histoires et j’étais déterminé à les préserver.

Mais alors que Mathieu amarrait le canot et montait à bord, son sourire contagieux, j’ai réalisé quelque chose. Même s’il restait encore des tâches à accomplir, des aventures nous attendaient. L’appel des sirènes de la Méditerranée était trop fort pour résister plus longtemps. Nous pourrions continuer notre travail pendant que nous naviguions, mais pour l’instant, le large nous faisait signe. L’horizon, avec sa promesse de nouveaux contes et découvertes, était notre prochaine destination. Et avec le vent dans les voiles et le soleil pour guide, nous étions prêts à répondre à son appel.


aventures navigation de jour
Journée navigation avec Pauline, la sœur aînée de Mathieu

Soleil, sangrias et baignades bêtes

Le doux balancement de Puzzle sous nos pieds était un rappel constant des aventures qui nous attendaient. Nous avions imaginé notre voilier comme un havre flottant pour les amis et la famille, un lieu où les rires résonnaient et où les souvenirs se forgaient. Les deux cabines et les deux salles d’eau à bord témoignent de notre engagement à garantir le confort et l’intimité de nos invités. Mais alors que l’ombre de la pandémie se profilait, nous avons réalisé que les visites anticipées de nos proches resteraient simplement anticipées.

La mère de Mathieu était l’une des rares à avoir vu Puzzle dans sa splendeur d’origine, à l’époque où le voilier était baptisé Baffi. Le reste de la famille Bagnols-en-Forêt était sur notre pont pour des déjeuners au soleil et des séances de pêche clandestine dans le port après le dîner. Ces moments, remplis du frisson d’attraper des Doradas et de la chaleur des plaisanteries familiales, étaient des trésors. Pourtant, le reste de la famille, dispersée à Paris, Orléans et Toulouse, restait un rêve lointain.

Pauline, la vive sœur aînée de Mathieu, était la seule à vraiment adhérer à l’esprit de notre voyage. Lors d’un de ses jours libres, elle nous a rejoint pour une navigation vers le Cap Dramont. La côte, avec sa beauté sauvage, était un spectacle à voir. Mais à mesure que les murmures du vent s’estompaient et que le soleil affirmait sa domination, le calme de la mer devenait un piège trompeur.

Cherchant un répit face à la chaleur torride, Pauline et moi nous sommes perchés sur la plateforme de bain, nos pieds effleurant la surface de l’eau de manière ludique. Mathieu, toujours aussi aimable, nous a offert des verres de sangria bien fraîche. Mais l’attrait de l’eau fraîche était trop tentant. Sans réfléchir, je me suis plongé dans les profondeurs azurées. Le frisson initial s’est rapidement transformé en panique lorsque j’ai réalisé que Puzzle, avec ses voiles captant toujours la moindre brise, dérivait plus vite que je ne pouvais nager.

Des pensées me traversèrent l’esprit – des histoires de requins bleus dans les environs, le rivage rocheux lointain qui semblait être un refuge potentiel et l’absurdité de ma situation difficile. Mais au milieu du chaos, la présence calme de Mathieu était un phare. Lâchant rapidement les voiles et démarrant le moteur, il manœuvra Puzzle de manière experte vers moi. Le soulagement de remonter à bord était indescriptible, n’ayant d’égal que l’exaltation d’avoir affronté l’immensité de la mer et d’en être ressorti indemne.

Le bref rendez-vous de Pauline avec l’eau était plus prudent, ses appréhensions concernant la vie marine étant évidentes. Mais son rire, à chaque fois qu’elle raconte sa baignade éphémère, est contagieux. Notre retour au port a marqué la fin de son aventure maritime, mais pour nous ce n’était que le début. Le bateau était rempli de nourriture et d’eau pour deux personnes pendant deux semaines au cas où nous devions être mis en quarantaine plus tard, l’optimisme était dans l’air et la promesse du large nous faisait signe.

dispositions du bateau pour la quarantaine
Une partie de nos provisions de bateau pour la quarantaine. (J’ai changé l’espace de stockage le lendemain pour offrir une température meilleure et plus constante.)

Notre dernière soirée à Bagnols-en-Forêt s’est déroulée dans le cadre douillet de la maison de Pauline. La Tarte Tropézienne que nous avons apportée était une note sucrée, un dessert qui était un rite de passage pour tous les habitants de la région. Mais en prenant une bouchée, j’ai réalisé que même si c’était délicieux, la véritable essence de notre voyage ne résidait pas dans les choses que nous avions goûtées ou achetées. C’était dans les souvenirs que nous avons créés, les défis que nous avons surmontés et les horizons infinis qui nous attendaient.


Et ils sont partis. Pour un voyage de plusieurs mois.

Le soleil était haut dans le ciel, projetant une lueur chatoyante sur Port Santa Lucia. Le doux bourdonnement du port, avec son activité trépidante et les bavardages lointains des familles et des marins, constituait une toile de fond familière à nos préparatifs. Pauline, accompagnée de nos jeunes nièces, était venue nous faire ses adieux. Leur présence était un rappel des liens qui nous unissent, de la famille que nous quittions momentanément pour l’immense étreinte de la mer.

Alors que nous enfilions nos gilets de sauvetage, le poids du moment s’est installé. Mathieu, d’un air déterminé, a pris la barre, guidant notre navire hors des eaux familières. Au cours de nos manœuvres, j’aperçois l’île du Lion de Terre, sentinelle près du chantier naval. C’était un jalon, signalant notre transition du connu à l’inconnu. D’un signe de tête de Mathieu, j’ai pris la barre et tourné la proue face au vent, sentant le bateau répondre, prêt à ce que les voiles prennent la brise pendant que Mathieu les hissait.

Depuis le rivage, l’appareil photo de Pauline a filmé notre départ. À travers l’objectif, notre bateau, Puzzle, semblait rétrécir avec la distance, mais les émotions étaient grandes. Plus tard, lorsque nous avons vu la vidéo, nous avons entendu le son déchirant de la voix de Maxine, ses paroles teintées de l’innocence de l’enfance et de la douleur d’une séparation temporaire. « Tonton et ‘Mila’… » cria-t-elle d’une voix faible, remplie d’un mélange de confusion et de nostalgie.

Pauline, toujours mère réconfortante, essayait de l’apaiser: « Ils vont revenir, t’en fais pas. Ils partent faire un beau voyage. » Ses paroles étaient remplies d’espoir et de compréhension. Oui, nous nous embarquions dans une grande aventure, mais l’attrait du foyer, de la famille était indéniable.

Alors que Puzzle s’éloignait, la voix de Pauline raconta notre départ: « Et ils sont partis. Pour un voyage de plusieurs mois. » La finalité de ses paroles se juxtaposait au contexte de la vaste mer devant nous.

Pourtant, au milieu de l’enthousiasme et de la promesse de nouveaux horizons, une décision avait pris racine dans nos cœurs. Un soir, autour de verres de sangria, en regardant les voiliers danser dans le port, nous avons imaginé notre avenir. L’attrait de la Méditerranée et le charme de Bagnols-en-Forêt avaient conquis nos cœurs. Nous savions alors qu’une fois notre voyage terminé, nous retournerions dans le sud de la France et ferons de Bagnols-en-Forêt notre demeure pour toujours.


Souvenirs ancrés et rêves d’horizon de marina de Santa Lucia

La marina de Santa Lucia était pour nous bien plus qu’un simple point d’amarrage. C’était un foyer, un enseignant et un sanctuaire. Le doux balancement des bateaux, le bavardage mélodique des marins partageant des histoires et l’arôme de la mer étaient devenus une routine réconfortante. Chaque lever de soleil apportait la promesse d’un nouveau jour, et chaque coucher de soleil, une histoire à raconter.

La marina avait été témoin de nos hauts et de nos bas, de nos moments de doute et de nos éclats d’excitation. Cela nous avait vu nous préparer, planifier et rêver. Depuis le premier accostage dans son étreinte jusqu’aux innombrables soirées passées à contempler les étoiles, Santa Lucia Marina avait observé en silence, devenant ainsi un chapitre à part entière de notre voyage.

Mais maintenant, alors que l’horizon l’appelait, un nouveau chapitre l’attendait. La Méditerranée, avec ses eaux azurées et ses trésors cachés, nous interpellait. L’impatience était palpable. Chaque vague, chaque rafale de vent semblait murmurer des histoires de civilisations anciennes, de criques cachées et de nuits étoilées en pleine mer. Nos cœurs battent à tout rompre, impatients de mettre les voiles, d’explorer, de découvrir.

Cependant, dans la vaste étendue de la mer, ce ne sont pas seulement les destinations qui comptent, mais aussi les ports qui nous servent de refuge, les amitiés qui nous ancrent et les souvenirs qui nous guident chez nous. Et alors que nous nous lancions dans notre aventure de navigation en Méditerranée, nous emportions avec nous l’esprit de Santa Lucia, sachant que ses rivages nous rappelleraient toujours, nous accueillant chez nous après notre odyssée.


A propos de l’auteur

Mirela Letailleur The Travel Bunny

Nichée dans le sud pittoresque de la France, Mirela Letailleur est une passionnée de voyages roumaine chevronnée qui a transformé sa passion en récits perspicaces sur le blog The Travel Bunny. Spécialisée dans la création d’expériences de voyage européennes abordables, elle n’est pas seulement une blogueuse mais une maestro du voyage locale, offrant un aperçu sans précédent de la vie animée de la marina de Santa Lucia, de la communauté de voile très unie et des nuances de la navigation à la journée.

Après s’être immergée dans le domaine de la préparation de bateaux DIY, l’expertise de Mirela s’étend au-delà des simples récits de voyage. Elle a l’âme d’une solutioneuse de problèmes, mêlant harmonieusement son amour du café avec son rôle de créatrice de guides de voyage gratuits distinctifs. Pour ceux qui aspirent à approfondir le style de vie authentique de la marina et l’art de la voile, Mirela est la balise la plus fiable sur Internet.

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